Cette "contribution à la très ancienne doctrine des principes" s'effectue sous forme de topologie : elle cherche à relever les lieux d'extraction phénoménaux et langagiers des principes qui ont exercé les hégémonies qu'elle examine, c'est-à-dire qui ont fonctionné comme des normes pour l'agir et le savoir.
Les hégémonies sont celles sous et par lesquelles l'Occident a jusqu'à présent vécu (à savoir agi, pensé et acquis des connaissances.) Elles délimitent l'ère de la métaphysique dont notre âge vit le dépérissement. Il y en a trois : la grecque, la latine et la moderne, chacune régie par un principe (respectivement, l'Un, la nature et la conscience de soi). Chacune se déploie dans une langue, qui lui donne ses paramètres : le grec, le latin et le moderne vernaculaire. Ces trois régimes articulent à la fois l'histoire de l'Occident et de la philosophie. En quoi ces hégémonies sont-elles brisées ? La topologie discerne trois sortes de principes : d'une part les ultimes, à savoir la natalité ou l'être-pour-la-naissance, et la mortalité ou l'être-pour-la-mort, qui perdurent au travers des âges ; d'autre part les suprêmes et les derniers, qui ont des destins temporels limités. Les principes suprêmes sont entitatifs : par exemple, chez Kant, Dieu, l'âme et le monde. Les principes derniers sont relationnels. Plus souvent appelés 'fantasmes hégémoniques' ou 'référents derniers' – un vocabulaire que l'auteur élucide dans l'introduction –, ils constituent les hégémonies. Par son effet sur le langage, la natalité institue les principes derniers en nous les faisant poser, tandis que la mortalité les destitue en les brisant de l'intérieur. Co-originaires, les deux principes ultimes forment "le phénomène absolument premier", le différend tragique. Leur étude appartient à l'analytique des ultimes, qui sert d'outillage à la topologie, et par-là la précède. La topologie n'analyse les principes derniers qu'au moment de leur émergence ou institution, et de leur disparition ou destitution.
Le souci directeur de la topologie est de nous en apprendre plus sur les nuits qui ont assombri notre terrible siècle (en particulier sur les souffrances que l'Occident s'est infligées au cours de la seconde guerre mondiale) et sur celles qui nous menacent (par exemple l'asphyxie à laquelle nous mène la destruction de l'environnement). En effet, elle part de la conviction que ces assombrissements ne peuvent avoir que "des origines lointaines et profondes".