"De Frege à Husserl, de Husserl à Frege... décidément cette correspondance est déséquilibrée". Ainsi J. T. Desanti entame-t-il l'étude de ce qu'il nomme également l'écart entre le logicien demeuré logicien et celui qui, en ces temps où se terminent ses commencements, se met en quête des origines, devenant sur le mode phénoménologique le philosophe qu'il était déjà sous le masque "psychologique". Cet écart, qui s'offre d'abord comme celui de l'incom­préhension réciproque entre deux façons de prendre au sérieux un même champ théorique, est alors explicité par J. T. Desanti dans son contenu thématique. Mais il faut ensuite en prendre la mesure en un sens différent de cette sorte d'arpentage ou de cartographie : "il faut aussi tenter d'en comprendre le germe". Tâche qui consiste dans la détermination historique d'un champ théorique, puisque : "Quand deux penseurs de cet ordre deviennent l'un à l'égard de l'autre partiellement aveugles, leur manque à voir ne peut s'expliquer simplement par la décision qu'ils auraient prise de fermer les yeux, en vertu d'une complexion "philosophique" qui leur serait innée. Il est probable que leur ablepsie réciproque trouvait sa racine dans l'état de la théorie elle-même, dans les points aveugles qu'elle renfermait, dans les régions de trouble et de déséquilibre qui autorisaient des modes d'ouverture différents, des mises en perspectives conflictuelles."